Mythologie
Le wabalou de la route 389
par Ăric Cyr
Les contes et lĂ©gendes font partie du folklore acadien et quĂ©bĂ©cois, que lâon pense au trĂšs connu conte folklorique Chasse-galerie, publiĂ© en 1891 par HonorĂ© Beaugrand, ou au personnage fictif malĂ©fique de la culture quĂ©bĂ©coise et canadienne-française, le bonhomme Sept-Heures, qui dĂ©coule probablement du croque-mitaine europĂ©en, le pĂšre Fouettard, et au fameux loup-garou, mais aussi Ă lâincarnation la plus cĂ©lĂšbre du folklore national, le diable prenant souvent la forme dâun violoneux ou dâun beau cavalier qui sâen prend aux belles du village en particulier celles qui adorent danser.
Les lĂ©gendes populaires mondiales font aussi mention de mythiques crĂ©atures anthropomorphes comme lâabominable homme des neiges ou yĂ©ti, qui pourrait ĂȘtre selon certains un ours bleu du Tibet, que la croyance amĂ©ricaine a transposĂ© en AmĂ©rique du Nord sous le nom de sasquatch. Câest sĂ»rement cet ĂȘtre qui a inspirĂ© la fable du wabalou de la 389 qui fait trembler de vieux camionneurs qui empruntent ce lien routier semi-dĂ©sertique. En effet, certains conducteurs de poids lourds qui sillonnent cet axe de transport interprovincial depuis des annĂ©es croient dur comme fer Ă lâexistence de lâhumanoĂŻde velu, qui pourrait surgir des bois Ă nâimporte quel moment, et se racontent des rĂ©cits Ă son sujet quâils transmettent aux nouveaux chauffeurs de remorques et de semi-remorques afin de les prĂ©venir des dangers qui les guettent le long de cette artĂšre routiĂšre qui traverse une partie de lâimmensitĂ© de la forĂȘt borĂ©ale quĂ©bĂ©coise.
Selon un vieux routier, Yves Briand, dont le sobriquet est lâarbre de NoĂ«l, qui tente de sensibiliser la relĂšve du camionnage qui circule sur la route 389 Ă la dangerositĂ© du wabalou, il est primordial de redoubler de prudence et dâemployer des sortilĂšges destinĂ©s Ă conjurer les imprĂ©visibles mauvais sorts que pourrait jeter la crĂ©ature verte de forte stature aux usagers de cette route qui dĂ©rangent sa quiĂ©tude. Ce dernier jure dâavoir aperçu le wabalou Ă quelques reprises durant ses dĂ©placements entre Baie-Comeau et Fermont. Il prĂ©conise dâallumer des cierges ou des chandelles de couleur verte avant dâoser sâaventurer sur la 389 afin de conjurer les malĂ©fices qui pourraient sâavĂ©rer pĂ©rilleux pour les incrĂ©dules intrĂ©pides qui nâauraient pas pratiquĂ© ce rituel au prĂ©alable afin de se protĂ©ger des tours du wabalou qui, selon ses dires, pourrait mĂȘme influencer lâĂ©tat de la chaussĂ©e et les phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques.
« Nous avons fondĂ©, il y a quelques dĂ©cennies, le club des wabalous inspirĂ© du modĂšle de lâordre loyal des bisons des prairies dans lâĂ©mission de tĂ©lĂ©vision Les Pierrafeu. Ă lâĂ©poque, moi et dâautres camionneurs, Raymond BĂ©dard, alias le coyote, RenĂ© Coulombe connu sous le surnom Poyo, Marcel « Titi » HĂ©on et Ăric Paradis dit le chromĂ©, faisions Ă lâoccasion des cĂ©rĂ©monies oĂč nous allumions des chandelles vertes Ă cĂŽtĂ© de nos camions avant de prendre la route 389 », confie le routard qui prĂ©cise quâil a peint, il y a plus dâun quart de siĂšcle, un graffiti en vert avec comme inscription « Danger wabalou » sur une grosse roche Ă un endroit prĂ©cis aux abords de la 389 oĂč lâĂȘtre mythique aurait Ă©tĂ© aperçu afin dâavertir les passants du secteur. Chose Ă©trange, ce signe nâa pas subi lâĂ©rosion du temps puisque ceux qui sont attentifs peuvent toujours lâapercevoir le long du chemin. Ce dernier, qui a fait graver « Le wabalou du Nord » Ă cĂŽtĂ© de son nom sur sa pierre tombale, prĂ©cise que le wabalou craint le feu et quâil faut se mĂ©fier de ce qui peut en apparence ressembler Ă une fuite dâantigel vert, mais qui serait en fait de lâurine de wabalou indiquant que lâentitĂ© poilue verte peut se trouver Ă proximitĂ©.Â
Les camionneurs qui arpentent cette route depuis longtemps, assurent que la bĂȘte est bel et bien rĂ©elle et quâil faut toujours demeurer alerte en conduisant et tenir compte de sa prĂ©sence afin de parer ses mauvais coups.