Sauvetage animalier
Ă la rescousse dâun oiseau emblĂ©matique
par Ăric Cyr
Un harfang des neiges a Ă©tĂ© secouru grĂące Ă la vigilance dâun couple qui travaille pour la miniĂšre Arcelor Mittal qui sâest aperçu que quelque chose clochait dans la cour de leur maison de la rue Ericson Ă Fermont, le 26 janvier 2024, aprĂšs quâun grand corbeau sâest posĂ© au sol dans une cĂŽte enneigĂ©e. En observant plus attentivement la scĂšne, ils ont constatĂ© que le rapace blanc de la famille des strigidĂ©s demeurait immobile sur la neige avant dâessuyer une violente attaque de lâĂ©norme corvidĂ©, le plus lourd des passereaux.
MĂ©lissa Ayala a vu quâun combat sâamorçait entre les deux volatiles avant de signaler la situation Ă son conjoint, William DubĂ©, qui sâest prĂ©cipitĂ© dehors pour tenter dâintervenir. Ă son arrivĂ©e Ă proximitĂ©, un autre grand corbeau sâĂ©tait posĂ© afin de prĂȘter renfort Ă son congĂ©nĂšre. Lâoiseau de proie en mauvaise posture avait rĂ©ussi Ă emprisonner celui au plumage noir en le serrant entre ses griffes, mais risquait un double affrontement alors que le premier grand corbeau, qui lui avait picossĂ© les yeux, tenait fermement son bec. Ă lâapproche de lâhomme, le complice ailĂ© a choisi de mettre fin aux hostilitĂ©s et sâest envolĂ© en abandonnant les deux rivaux Ă leur sort. Constatant que lâaltercation nâĂ©tait pas terminĂ©e, M. DubĂ©, habituĂ© dans sa jeunesse Ă manipuler des coqs et des poules dans le poulailler dâun oncle, sâest interposĂ© entre les deux adversaires en Ă©cartant tranquillement le grand corbeau Ă lâaide de ses pieds avant de secourir le harfang des neiges. Le charognard au coassement lugubre a finalement secouĂ© la tĂȘte en signe de rĂ©signation avant de dĂ©guerpir dans les airs, ce qui a mis fin Ă la bataille.
Sentant la dĂ©tresse et la nervositĂ© du prĂ©dateur aĂ©rien au regard hypnotique, les yeux jaunes du harfang se distinguent par la prĂ©sence dâune troisiĂšme paupiĂšre en diagonale qui les protĂšge du vent froid et du soleil aveuglant, le sauveteur improvisĂ© lui parle calmement avant de rĂ©ussir Ă empoigner ses deux pattes aux crocs acĂ©rĂ©s et Ă immobiliser ses ailes avant de le dĂ©poser minutieusement dans une boĂźte et de le transporter jusquâĂ son garage afin de constater sâil avait des blessures et pour lui permettre de rĂ©cupĂ©rer et de se rĂ©chauffer. Il remarque un petit filet de sang dans ses yeux et Ă©met lâhypothĂšse quâil aurait possiblement pu percuter la clĂŽture du parc municipal, ce qui lâaurait assommĂ© et dĂ©stabilisĂ©, ou que cela pourrait avoir Ă©tĂ© causĂ© par le picossement de bec du grand corbeau. Ă la suite dâune tentative infructueuse de joindre un agent de la faune par tĂ©lĂ©phone, un ami, qui passait par lĂ , suggĂšre dâappeler la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec afin de rapporter la situation. Des policiers se rendent alors sur place et conseillent de tenter de libĂ©rer le harfang afin de voir sâil peut sâenvoler, ce qui fut fait avec leur aide.
Originaire de LâIsle-Verte, M. DubĂ©, qui habite Ă Fermont depuis 13 ans, a souvent aperçu des harfangs des neiges au Bas-Saint-Laurent, mais câest la premiĂšre fois quâil en voit localement. Mme Ayala confie : « Je suis heureuse dâavoir peut-ĂȘtre contribuĂ© Ă sauver ce bel oiseau. »
Quelques faits
La vision du harfang des neiges, que les Inuits nomment ukpik, est Ă la fois diurne et nocturne. Les couples de harfangs se forment habituellement pour la vie. Cette espĂšce est rattachĂ©e au genre Bubo, qui regroupe aussi les hiboux grands-ducs. Le harfang des neiges reprĂ©sente lâemblĂšme aviaire du QuĂ©bec depuis 1987. Il existe un conte inuit traditionnel intitulĂ© Le grand corbeau et le harfang des neiges.