Résidus radioactifs
Le Labrador ciblé en cachette pour l’entreposage de déchets nucléaires
par Éric Cyr
Un reportage de l’émission d’affaires publiques Enquête, du diffuseur Radio-Canada, a dévoilé l’implication en douce de l’ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien, dans un projet ultra secret inédit d’importation et d’enfouissement de déchets nucléaires étrangers hautement radioactifs au Labrador dont l’origine de la démarche devait rester confidentielle.
Les journalistes d’enquête ont étoffé le documentaire de preuves issues d’échanges de courriels, en 2019 et en 2020, entre les principaux intéressés notamment des hauts responsables japonais et américains associés à des sociétés privées et liés dans l’ombre à des facilitateurs canadiens par cette entente clandestine d’importation et d’entreposage de déchets nucléaires, des matières extrêmement dangereuses et radioactives, en provenance de l’étranger. Ces derniers qui incluent des acteurs influents du milieu politico-industriel du Japon, qui souhaitent à tout prix éviter une fuite d’informations dans la sphère publique, parlent de la construction « d’un dépôt de portée mondiale pour la livraison et le stockage sécuritaire des combustibles nucléaires usés » dont l’existence doit demeurer secrète.
Plan secret démasqué
La vérité est finalement dévoilée au grand jour grâce au méticuleux travail des journalistes.
« Les Japonais sont très intéressés par un dépôt géologique en profondeur dans le bouclier précambrien au Canada », peut-on lire dans l’une de ces correspondances électroniques.
Ce n’est pas tout, les instigateurs de la démarche discrète d’importation de combustibles irradiés sont de connivence avec le bonze libéral qui agit à titre d’avocat-conseil pour le cabinet d’avocats pour lequel il travaille auprès des promoteurs du projet, des hommes d’affaires nippons et américains qui lorgnent du côté du granit sec du Labrador qu’ils considèrent comme parfait pour l’utilisation qu’ils souhaitent en faire. L’ex-chef de l’État canadien plaide pour faire du pays une destination permanente privilégiée pour les déchets nucléaires mondiaux et vante le roc dur de ce territoire qui n’a jamais eu aucun tremblement de terre à sa connaissance, ce qui en fait à ses dires un endroit idéal pour effectuer des forages et aller y déposer les déchets nucléaires à 5000 pieds dans le sol.
Accès au pouvoir
L’ancien politicien, qui a reconnu qu’il a abusé de son titre d’ancien dirigeant, mais nié le fait qu’il serait le conseiller de confiance de l’actuel premier ministre Justin Trudeau dans les grandes décisions stratégiques, a aussi démenti faire du lobbying. Il a pourtant été aperçu se dirigeant vers la réunion du conseil des ministres après la réélection de Trudeau fils. Dans ce reportage, M. Chrétien affiche un manque de considération, voire du mépris, pour les citoyens des territoires nordiques concernés en laissant entendre qu’il est préférable de choisir le Labrador plutôt que Montréal pour un tel projet et n’a aucun remords à léguer un problème qui pourrait survenir dans 10 000 ans aux politiciens de l’avenir. Ce dernier croit que le Canada, qui vend de l’uranium, aurait une responsabilité dans le stockage des résidus radioactifs.
Ramifications
Selon les informations contenues dans le reportage, une entreprise américaine, Tera Volt, est impliquée dans le processus. Quelle coïncidence, Greg Mercer, le chef de cabinet de l’ex-premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, le libéral Dwight Ball, était lobbyiste pour cette compagnie avant sa carrière politique. Bien que son successeur du même parti, Andrew Furey, ait déclaré, après que la nouvelle a été rendue publique, qu’il n’y a aucune possibilité que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador approuve un projet secret qui verrait des déchets nucléaires entreposés au Labrador, le député néodémocrate du Labrador Ouest, Jordan Brown, exige que Furey passe de la parole aux actes en déposant un projet de loi qui étayerait ses déclarations par une interdiction pure et simple de stocker ces matières radioactives sur ce territoire. Une fois la stupéfaction passée, un groupe de citoyens en colère du Labrador composé de détracteurs qui s’opposent fortement à cette idée s’est rapidement organisé et a lancé la page Facebook : Labradorians Against Any Proposed Nuclear Waste Dump in the Big Land.