Droits linguistiques
En croisade pour faire respecter ses droits
par Ăric Cyr
Fervent adepte de la langue française, Michel Thibodeau a passĂ© une partie de son enfance et son adolescence dans la dĂ©funte ville de Gagnon dans le Nord-du-QuĂ©bec et aussi Ă Labrador City oĂč il Ă©tait dĂ©jĂ impliquĂ© au sein de lâAssociation francophone du Labrador. Ce dernier est devenu par la force des choses un champion en matiĂšre de respect des droits linguistiques au pays.
Lâhomme, dont le pĂšre a fondĂ© la Chambre de commerce de Fermont, est un ancien fonctionnaire fĂ©dĂ©ral qui a des racines acadiennes au Havre-Saint-Pierre. Il admet quâil doit certainement ĂȘtre lâun des plus opiniĂątres dĂ©fenseurs de la langue de MoliĂšre parmi les francophones hors QuĂ©bec. Celui-ci fait preuve de tĂ©nacitĂ© exemplaire depuis une mĂ©saventure en 2000 oĂč lui et sa conjointe ont pris un avion commercial entre MontrĂ©al et Ottawa dans lequel il a commandĂ© une boisson gazeuse Ă une agente de bord unilingue, qui a Ă©tĂ© incapable dâoffrir un service en français. Constatant Ă©galement que les annonces de vol faites par les membres dâĂ©quipage Ă©taient aussi uniquement en anglais, il a demandĂ© Ă parler au capitaine. Ă la suite de cet Ă©vĂ©nement, des policiers lâattendent Ă son atterrissage dans la capitale fĂ©dĂ©rale oĂč il habite. Se sentant lĂ©sĂ© et voulant dĂ©fendre sa rĂ©putation, le pĂšre de famille se bat depuis avec acharnement afin de sâassurer que les droits de la minoritĂ© linguistique au Canada sont bien protĂ©gĂ©s.
Des convictions inébranlables
ConsidĂ©rant que lâentreprise Air Canada est assujettie Ă la Loi sur les langues officielles en tant quâancienne sociĂ©tĂ© dâĂtat et est donc tenue dâoffrir un service en français, M. Thibodeau et son Ă©pouse Lynda entament des dĂ©marches juridiques et accumulent les plaintes auprĂšs du commissaire aux langues officielles contre le transporteur aĂ©rien. Plus dâune dĂ©cennie plus tard, en 2011, un jugement de la Cour fĂ©dĂ©rale donne raison aux plaignants, en caractĂ©risant de systĂ©mique les problĂšmes de non-respect de la loi par Air Canada, qui a de façon rĂ©pĂ©tĂ©e manquĂ© Ă ses obligations en interprĂ©tant la loi de façon rĂ©ductrice. La Cour dâappel casse partiellement cette dĂ©cision lâannĂ©e suivante, en 2012. QuâĂ cela ne tienne, les deux irrĂ©ductibles portent lâaffaire jusquâĂ la Cour suprĂȘme du Canada, qui tranche finalement la question dans un jugement rendu en 2014, oĂč Air Canada obtient gain de cause. Le plus haut tribunal statue que la Loi sur les langues officielles nâa pas prĂ©sĂ©ance sur la Convention de MontrĂ©al qui rĂ©git dĂ©jĂ les dĂ©dommagements qui peuvent ĂȘtre exigĂ©s par les passagers de vols internationaux. La dĂ©cision de la Cour suprĂȘme fait en sorte que les passagers nâont droit Ă aucune compensation financiĂšre pour violation de leurs droits linguistiques sur des vols internationaux. Cependant, selon lâinterprĂ©tation de la plus haute instance judiciaire au pays, la violation des droits linguistiques sur les vols intĂ©rieurs peut donner droit Ă des dommages-intĂ©rĂȘts selon la Loi sur les langues officielles.
Question de principe
M. Thibodeau, qui souhaite sâassurer que la langue française et les droits de ses locuteurs sont respectĂ©s au sein de lâappareil fĂ©dĂ©ral, a rĂ©cidivĂ© jusquâen Cour fĂ©dĂ©rale dans un autre dossier Ă propos de fontaines dâeau potable de la colline du Parlement Ă Ottawa dont les boutons mĂ©talliques ne comportent quâune mention « push » en anglais et en braille sans son Ă©quivalent de « pousser » en français. La Cour fĂ©dĂ©rale a conclu en novembre dernier que ses droits linguistiques avaient Ă©tĂ© brimĂ©s. Le SĂ©nat du Canada ne portera pas la dĂ©cision en appel.
Selon M. Thibodeau : « Câest une grande victoire pour tous les francophones du pays. La Cour fĂ©dĂ©rale a rĂ©pĂ©tĂ©, encore une fois, que les droits linguistiques existent et quâils doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s. Mon message aux francophones est celui-ci : il faut se tenir debout, il faut se battre et dĂ©fendre notre droit de vivre en français dans ce pays qui est aussi le nĂŽtre. »