DĂ©couverte scientifique
Un lichen du Nord québécois révÚle ses secrets
par Ăric Cyr
Des chercheurs de lâuniversitĂ© Laval Ă QuĂ©bec en collaboration avec lâuniversitĂ© de GenĂšve en Suisse ont dĂ©couvert deux molĂ©cules uniques et des composĂ©s antibactĂ©riens dans un lichen du Nord quĂ©bĂ©cois. Les scientifiques voulaient dĂ©montrer quâil existe dans les milieux nordiques « une richesse insoupçonnĂ©e en composĂ©s naturels quâil est urgent de mieux connaĂźtre et de protĂ©ger. »
Survivre dans un environnement difficile
Le lichen en question appelĂ© Stereocaulon paschale, pousse principalement dans les rĂ©gions subarctiques et arctiques du globe, mais se retrouve aussi sur certaines montagnes gaspĂ©siennes dont le mont Jacques-Cartier et le mont Albert, ainsi que sur de hauts sommets de Charlevoix. Selon le responsable de lâĂ©tude, Normand Voyer, les chercheurs dĂ©siraient connaĂźtre la composition de cette plante qui pousse dans un climat trĂšs rigoureux : « Les lichens nordiques sont exposĂ©s Ă des stress environnementaux uniques, nous pensions donc quâil Ă©tait possible que ces espĂšces produisent des molĂ©cules spĂ©ciales pour composer avec ces conditions trĂšs difficiles. Ăa confirme un peu lâhypothĂšse que les plantes nordiques soumises au stress produisent des molĂ©cules et des substances chimiques diffĂ©rentes. » Le chimiste et professeur Ă la FacultĂ© des sciences et de gĂ©nie Ă lâuniversitĂ© Laval explique que les propriĂ©tĂ©s antibactĂ©riennes des composĂ©s issus de ce lichen pourraient sâavĂ©rer utiles pour lutter contre les maladies parodontales.
« Certaines molĂ©cules quâon a trouvĂ©es ont dĂ©montrĂ© une efficacitĂ© Ă combattre les bactĂ©ries causant la carie dentaire et la gingivite. »
Deux molécules jamais répertoriées
Les spĂ©cimens de lichen Ă©tudiĂ©s provenant du Nunavik, un territoire inuit quĂ©bĂ©cois, ont Ă©tĂ© rapportĂ©s Ă lâuniversitĂ© Laval par le biologiste et professeur au DĂ©partement de biologie, StĂ©phane Boudreau, et des analyses phytochimiques ont permis dâidentifier onze composĂ©s dont deux nouvelles molĂ©cules qui nâavaient jamais Ă©tĂ© isolĂ©es auparavant sur notre planĂšte. Les neuf autres composĂ©s avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© identifiĂ©s dans des organismes vivants, toutefois des tests effectuĂ©s par le professeur Ă la FacultĂ© de mĂ©decine dentaire, Daniel Grenier, ont mis en lumiĂšre un fait nouveau : six de ces composĂ©s ont une activitĂ© antibactĂ©rienne potentiellement intĂ©ressante contre des pathogĂšnes impliquĂ©s dans des problĂšmes buccaux.
Propriétés intéressantes
M. Voyer prĂ©cise quâil est encore trop tĂŽt pour dĂ©terminer si cette rĂ©cente dĂ©couverte peut aboutir Ă des applications mĂ©dicales ou industrielles mais il Ă©voque nĂ©anmoins que : « Le but de lâĂ©tude nâĂ©tait pas de provoquer une ruĂ©e vers les trĂ©sors molĂ©culaires que pourraient renfermer les espĂšces du Nord quĂ©bĂ©coisâŠ(Plusieurs Ă©tudes) phytochimiques ont Ă©tĂ© menĂ©es dans les forĂȘts tropicales, mais le Nord reste encore largement inexplorĂ©. Il y a sĂ»rement beaucoup dâautres espĂšces nordiques qui, comme S. paschale, renferment des molĂ©cules uniques. Câest peut-ĂȘtre dans ces milieux quâon va trouver les prochains traitements contre le cancer. »
Le scientifique conclut : « Si jamais nous découvrons des composés naturels qui ont des applications intéressantes, il sera important de développer des méthodes pour en faire la synthÚse en laboratoire afin de ne pas mettre en péril la survie des espÚces qui les produisent. »
Les résultats de cette recherche ont été publiés dans le dernier numéro de la revue Journal of Natural Products.