Pionnier du Nord
Lâancien maire de Gagnon sâĂ©teint
par Ăric Cyr
Le premier maire noir de lâhistoire du QuĂ©bec, RenĂ© Coicou, qui a prĂ©sidĂ© au destin de la dĂ©funte ville miniĂšre de Gagnon jusquâĂ sa fermeture en 1985, est dĂ©cĂ©dĂ© des suites dâune longue maladie. Il a poussĂ© son dernier soupir Ă Ottawa, le 2 mars dernier, il avait 84 ans.
M. Coicou, originaire dâHaĂŻti avait fui le rĂ©gime dictatorial de François Duvalier surnommĂ© « Papa Doc » en 1957 pour aboutir Ă MontrĂ©al. AprĂšs des Ă©tudes en mĂ©canique de machinerie lourde, il est engagĂ© par la miniĂšre QuĂ©bec Cartier en 1962 et quitte la mĂ©tropole quĂ©bĂ©coise pour aller travailler Ă la mine du lac Jeannine (qui a Ă©tĂ© exploitĂ©e jusquâen 1978) Ă Gagnon oĂč il sâĂ©tablit avec sa famille. MalgrĂ© la mort de sa premiĂšre femme Claire Gravel des suites dâune complication liĂ©e Ă la grossesse, il choisit tout de mĂȘme de demeurer sur place avec ses trois fils.
Une annonce crĂšve-cĆur
Lâancien secrĂ©taire archiviste du Syndicat des MĂ©tallos a dâabord Ă©tĂ© Ă©lu Ă la mairie en 1973. Son mandat de maire sera par la suite renouvelĂ© Ă deux reprises. AprĂšs avoir appris au dĂ©but des annĂ©es 1980 que Sidbec-Normine menaçait de fermer ses installations miniĂšres Ă cause de la crise du fer, tout comme ce fut le cas en 1982 pour la miniĂšre IOC Ă Schefferville, M. Coicou se bat corps et Ăąme afin de renverser la vapeur et multiplie les dĂ©marches auprĂšs du gouvernement du QuĂ©bec afin de tenter de trouver des solutions. MalgrĂ© son combat acharnĂ© et lâappui indĂ©fectible du syndicat des MĂ©tallos et du lĂ©gendaire syndicaliste Herby BĂ©rubĂ©, câest peine perdue et la dĂ©cision est irrĂ©vocable. Atteint dâune tumeur au cerveau, M. Coicou doit finalement se rĂ©signer Ă lâinĂ©vitable et convoque les Gagnonais Ă lâĂ©glise, en octobre 1984, pour leur annoncer avec Ă©motion que leur ville agonisante serait fermĂ©e de façon dĂ©finitive le 30 juin de lâannĂ©e suivante. En effet, la compagnie cesse dâexploiter le gisement de fer de la mine de Fire Lake en 1984 et la ville sera rasĂ©e un an plus tard Ă lâĂ©tĂ© 1985.
Le politicien populaire qui sâest investi Ă fond dans sa collectivitĂ© aura tenu la barre avec courage jusquâau moment fatidique du naufrage annoncĂ©Â : la fermeture de la ville quâil avait contribuĂ© Ă façonner. Lâancien maire de la municipalitĂ© disparue aura laissĂ© sa trace parmi ses concitoyens, dont un bon nombre, 400 travailleurs et leurs familles, a migrĂ© vers Fermont. Plusieurs se souviennent de lâapport inestimable de celui qui Ă©tait fortement engagĂ© au sein de sa communautĂ©. Lâancien conseiller municipal Marc Poulin, qui a par la suite dĂ©mĂ©nagĂ© Ă Fermont avant de prendre sa retraite le dĂ©finit comme un homme du peuple au diapason des travailleurs qui faisait peu de cas de la hiĂ©rarchie. Il explique que le racisme nâexistait pas Ă Gagnon et que tous Ă©taient soudĂ©s dans ce petit milieu isolĂ© tissĂ© serrĂ© inaccessible par la route Ă lâĂ©poque.
« Le seul homme de couleur de lâendroit a Ă©tĂ© Ă©lu maire, câest tout dire! »
M. Coicou nâaura malheureusement jamais eu lâoccasion de visiter ce qui reste de Gagnon, mais son nom restera Ă jamais associĂ© Ă la ville quâil a tant aimĂ©e.