Aéroport de Wabush
Le couperet fédéral est tombé
par Éric Cyr
En plus de devoir composer avec le récent retrait d’Air Canada de l’aéroport de Wabush au Labrador, qui suscite le mécontentement, les citoyens des localités minières de Fermont, de Labrador City et de Wabush, ainsi que des nombreux utilisateurs de ce terminal aérien, ceux-ci devront digérer la décision du ministère des Transports du Canada qui a démantelé les services d’urgence-incendie qui y étaient rattachés, le 7 août dernier, malgré une forte opposition locale.
Des professionnels du domaine croient que Transports Canada met la vie des passagers en danger. Cette décision arbitraire est dénoncée par une majorité d’intervenants politiques et socio-économiques de la région incluant le député provincial du Labrador Ouest, le néodémocrate Jordan Brown et les maires de Labrador City et de Wabush, Fabian Benoit et Ron Barron. La députée fédérale du Labrador, la libérale Yvonne Jones s’est pour sa part faite discrète. Il faut dire que c’est le gouvernement Trudeau dont elle fait partie qui a pris cette initiative et qui n’a pas non plus levé le petit doigt dans le dossier du récent départ du transporteur aérien national qui a choisi de délaisser les aéroports régionaux de plusieurs régions du Québec et au Labrador Ouest.
Coup sur coup
Ces deux épreuves successives ne passent pas du tout au sein de la population isolée prise en otage et qui doit utiliser le transport par avion lors d’évacuations médicales d’urgence, pour des consultations de spécialistes de la santé, pour des voyages d’agrément, des vacances, ou pour le travail. Plusieurs critiques dénoncent la situation et jugent que l’interruption de ce service, basé selon eux sur une politique fédérale qui utilise dans ce cas-ci des statistiques désuètes, repose sur des données incomplètes qui ne reflètent pas la réalité actuelle et qui ne tiennent pas compte de l’achalandage accru lié à la vitalité du monde minier.
Le pompier Ryan Connolly qui a travaillé au sein de ce service d’urgence-incendie affirme que la suppression de celui-ci met les passagers et les équipages atterrissant et décollant de Wabush à risque. Selon ce dernier, des professionnels spécialisés et formés dans ce genre particulier d’intervention doivent être sur place et prêts à intervenir rapidement en cas d’urgence. Il explique qu’il n’y a pas que dans le cas d’un écrasement d’aéronef que les pompiers peuvent faire toute la différence, mais aussi lorsqu’un incendie de moteur se déclare ou lors d’un déversement de carburant qui s’enflamme. Chaque seconde compte pour sauver des vies et le laps de temps d’intervention est primordial. Le type de carburant utilisé dans les avions brûle très rapidement et les flammes se comportent de façon agressive, il est donc essentiel que des pompiers soient physiquement sur les lieux et constamment sur le qui-vive afin de parer une éventuelle tragédie humaine en contrôlant les facteurs pouvant l’engendrer notamment les flammes qu’ils doivent tenter de maîtriser dès le début afin que le feu ne se propage pas aux sorties de l’appareil.
Vies humaines et statistiques
Transports Canada indique que le volume de passagers requis annuellement pour que les services d’incendie soient obligatoires dans une installation aéroportuaire est de 180 000 passagers et juge que ce seuil ne serait pas atteint à Wabush et en diminution depuis 2014 selon ses calculs. Il n’y aurait donc aucune obligation réglementaire de fournir ce service.
Données discutables
Le député Jordan Brown et le Syndicat des Métallos remettent en question les données de Transports Canada et sont plutôt convaincus que le trafic aérien aurait en fait considérablement augmenté avant la pandémie et que les chiffres dont s’inspire Transports Canada sont désuets, erronés et datent de plusieurs années. Les interventions qui prenaient auparavant en moyenne 3 minutes avant l’arrivée des premiers répondants sur la piste pourront dorénavant s’étirer d’au moins une quinzaine de minutes et plus avant que les secours les plus proches ne puissent agir. Les pompiers avoisinants ont organisé un défilé d’adieux en hommage à leurs confrères lors de leur dernière veille et ont activé les sirènes en passant en avant de l’aérogare.