Un cycliste hors du commun
À 70 ans, Michel Beaudoin vit d’aventures et de dopamine
par Guillaume Rosier
Il y a de ces personnes que l’on rencontre qui marquent l’esprit. Michel Beaudoin en fait partie. Ce cycliste âgé de 70 ans effectue une traversée du Canada, après avoir déjà effectué de très nombreux voyages. Au début du mois de mai, il faisait halte à Fermont pour quelques jours.
Attablé au bistro, j’aperçois derrière la baie vitrée un cycliste d’un certain âge, la mine fatiguée, avec de nombreuses sacoches attachées à son vélo. « Ça, c’est quelqu’un qui vient de loin », fait remarquer mon voisin de table. Michel Beaudoin vient tout juste d’arriver à Fermont. Début avril, il quittait son domicile à Bécancour, près de Trois-Rivières, pour un voyage qui doit le mener de l’océan Atlantique jusqu’à l’océan Pacifique. Lorsqu’on le voit avancer, d’une démarche hésitante, on a beaucoup de mal à croire qu’il réalise un tel périple. C’est encore plus incroyable lorsque l’on apprend qu’il a deux prothèses de hanche en titane, posées en raison de problèmes d’arthrose. Et pourtant.
Infatigable globetrotteur
À l’âge de 16 ans, Michel Beaudoin ne rêve que de voyage et d’aventure. Le destin va en décider autrement. Il fonde une famille et mène une longue carrière au sein de la Sûreté du Québec. Il a notamment travaillé à l’escouade des crimes majeurs au quartier général de Cap-de-la-Madeleine. C’est lorsqu’il prend sa retraite qu’il assouvit son rêve de jeunesse. Sac au dos, il se rend aux quatre coins de la planète : Russie, Laos, Birmanie, Inde, Bolivie, Madagascar… À ce jour, il s’est rendu dans 37 pays. « L’aventure peut-être dangereuse, mais la r outine tue », affirme Michel Beaudoin, reprenant une citation de l’écrivain brésilien Paulo Coelho.
Même s’il n’a jamais vraiment fait de vélo, bien qu’il ait excellé dans de nombreuses disciplines sportives, le retraité décide en 1996 de réaliser une première traversée du Canada. De Vancouver, il rejoint son domicile à Bécancour. Au cours de ce trajet de 5200 km, il se dit que ce serait « le fun » de traverser l’Amérique du nord au sud.
En mai 2011, il quitte Prudhoe Bay au fin fond de l’Alaska. Six mois plus tard, après avoir parcouru pas moins de 18 000 kilomètres, il est victime d’un grave accident de la route à Lima, au Pérou. « Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé. J’ai subi un traumatisme crânien et j’ai été dans le coma pendant une dizaine d’heures. Mon gars est venu me chercher et je suis rentré au Québec où j’ai eu 6 mois de réhabilitation », raconte M. Beaudoin. Deux ans plus tard, bien décidé à terminer son voyage il retourne à Lima pour finir son périple, cette fois-ci accompagné d’un ami. Ce dernier subit lui aussi un accident, au Chili. Après ce deuxième coup du sort, Michel Beaudoin se résout à terminer ce voyage. Pour lui ce n’est pas un échec, mais plutôt une leçon que lui envoie la vie.
Tout est dans le mental
Pour son nouveau voyage, Michel Beaudoin est parti de son domicile pour se rendre jusqu’à Blanc-Sablon, en passant par le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Sa moyenne est d’environ 100 km/jour. Il se dirige désormais vers l’Ouest canadien. Après avoir quitté Fermont, dont il a trouvé les habitants très accueillants, il a descendu la route 389 à vélo depuis Manic-5 jusqu’à Baie-Comeau. Une Fermontoise, Johanne Beaulieu, l’avait en effet conduit en voiture sur la première partie de la 389 afin de lui éviter des portions de route dangereuses pour un cycliste. Au moment d’écrire ces lignes, Michel Beaudoin se trouvait à Forestville.
Quand on lui demande ce qui lui permet d’avancer, le cycliste explique que tout réside dans le mental. « Au cours des semaines, des mois voire des années qui précèdent le voyage, il y a une préparation mentale qui se fait. Quand je prends mon vélo et que je pars de chez moi, c’est déjà réglé dans ma tête », explique le grand voyageur. Sur le guidon de son vélo se trouve une photo de ses petites-filles, qu’il aime plus que tout.
Éternelle jeunesse
« Ma philosophie de vie est la suivante : je ne peux pas m’empêcher de vieillir, mais je peux m’empêcher de devenir vieux », lance Michel Beaudoin. « La jeunesse, ça ne se passe pas forcément de 18 à 28, c’est un état d’esprit. Ma mère est âgée de 99 ans, mais elle reste toujours jeune », ajoute-t-il.
Michel Beaudoin espère être rentré de son voyage au mois de septembre pour assister à la 5e édition du Défi du Parc de la Rivière Gentilly, un triathlon dont il est le président fondateur. Il entend aussi terminer la rédaction d’un livre, Le Journal d’un vieux bourlingueur. Pour suivre son périple : beaudoinavelo.wordpress.com.