Transports
La Côte-Nord de plus en plus enclavée
par Éric Cyr
Alors que différents intervenants nord-côtiers tentent de faire valoir depuis de nombreuses années l’importance de désenclaver la Côte-Nord, force est de constater, hélas, que l’effet inverse se produit. Le traversier F.A. Gauthier censé remplacer de façon efficace le Camille Marcoux semble incapable d’accomplir convenablement sa mission de navigation maritime, ce qui a coupé à plusieurs reprises la fluidité des échanges entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent et obligé un parcours terrestre détourné de plusieurs centaines de kilomètres.
La Commedia des ratés
Déjà pénalisée par rapport aux autres régions du Québec, la Côte-Nord, qui ne peut compter sur un réseau routier complété et sécuritaire, doit maintenant se battre pour obtenir un traversier efficace desservant Baie-Comeau et Godbout et permettant de rejoindre Matane. Les élus de la Côte-Nord et de l’Est-du-Québec sont unanimes et exigent un navire de remplacement apte à prendre la relève à tout moment à l’une ou l’autre des 13 dessertes de la Société des traversiers du Québec (STQ) qui effectuent annuellement 115 000 traversées avec, à leur bord, plus de 5,2 millions de citoyens et plus de 2,1 millions de véhicules et, en particulier, celle où navigue le F.A. Gauthier qui a déjà été mis en cale sèche à des périodes de grand achalandage.
Inadmissible
Plusieurs élus indignés ont dénoncé avec véhémence la situation, dont la députée de Duplessis, Lorraine Richard, du Parti québécois, qui a commenté l’arrêt du traversier Matane/Côte-Nord en pleine période des Fêtes, arrêt qui s’est étiré sur plus de 22 jours. « Encore des problèmes avec le F.A. Gauthier! C’est totalement inacceptable! C’est le seul lien entre les deux rives et la STQ a tout simplement mal planifié son entretien. Nous connaissons un lot de problèmes avec ce navire depuis sa conception. Et voilà encore un de plus! Bien que les avions nolisés soient une alternative pour certains, elle ne répond pas aux besoins de tous! Aucun bateau n’a été affrété pour prendre le relais et il n’y avait aucun plan B pour les automobilistes qui ont dû prolonger leur trajet dans des conditions routières parfois difficiles en hiver. Cette situation me préoccupe au plus haut point et j’aurai des discussions avec le ministre québécois des Transports, François Bonnardel, pour faire le point sur la situation. »
Son collègue nord-côtier, le député péquiste de René-Lévesque, Martin Ouellet, a qualifié le F.A. Gauthier de citron italien. Il s’attend à un examen de conscience et un sérieux coup de barre où des têtes de la STQ pourraient rouler. Il exige des compensations pour les entreprises pénalisées qui ont dû faire circuler leurs marchandises sur 850 km additionnels. Il juge tout aussi inconcevable l’absence d’un bateau de remplacement. « On avait pourtant le Camille Marcoux et on l’a vendu pour le métal à 2,7 M $. Est-ce que ça pressait tant que ça de démanteler son prédécesseur? »
Selon le chef par intérim du Parti québécois et député de Matane, Pascal Bérubé : « C’est notre seul lien fluvial, on ne parle pas d’un troisième lien ou même d’un deuxième, c’est notre seul! Alors à partir du moment où l’on n’est pas capable de traverser, il n’y a pas vraiment de solution de remplacement. Actuellement, pour les gens de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, en voiture, il y a un détour d’une dizaine d’heures par le pont Pierre-Laporte à Québec pour se rendre sur la Côte-Nord. La desserte aérienne est temporaire, mais en voiture, on doit faire le détour complet, ce qui équivaut à des pertes de temps, d’argent et des frustrations de toutes sortes! »
Front commun municipal
Des maires de la Côte-Nord et du Bas-Saint-Laurent ont expédié une lettre à ce sujet au ministre de la CAQ, François Bonnardel. Yves Montigny (Baie-Comeau), Alain Thibault (Port-Cartier), Jean-Yves Bouffard (Godbout), Réjean Porlier (Sept-Îles) et Jérôme Landry (Matane) écrivent : « Les problèmes du traversier NCSM F.A. Gauthier, à quelques jours de la période des Fêtes, sont fort déplorables pour les familles et constituent des pertes économiques importantes pour nos villes et régions. Conscients des efforts de la STQ de trouver une solution technique à ces problèmes, nous soussignés souhaitons vous proposer solidairement et conjointement une solution plus durable. Il nous apparaît de plus en plus nécessaire, voire incontournable, que votre ministère et votre gouvernement évaluent l’achat d’un navire supplémentaire afin de pouvoir remplacer tout bateau en difficulté de la STQ en tout temps et 12 mois par année, ce qui garantirait aux usagers un droit au service essentiel, à l’abri de problèmes mécaniques ou techniques… À titre de maires, nous souhaitons que le gouvernement mette en place cette solution rapidement afin de pouvoir garantir un service sans interruption à une grande partie du Québec. »