Feux de forĂȘt
Du jamais vu dans la région
par Ăric Cyr et OcĂ©ane BossĂ©
Des incendies de forĂȘt dâune ampleur sans prĂ©cĂ©dent ont fait rage au Labrador et sur la CĂŽte-Nord du QuĂ©bec durant la saison estivale. Au Labrador, prĂšs du tiers de la population a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© dans le cadre de deux Ă©vacuations orchestrĂ©es en moins dâun mois par les autoritĂ©s de Terre-Neuve-et-Labrador. LâĂ©vacuation de Labrador City se veut la plus importante Ă ce jour dans cette province. La CĂŽte-Nord, incluant la MRC de Caniapiscau au QuĂ©bec, a aussi Ă©tĂ© aux prises avec des feux hors de contrĂŽle dissĂ©minĂ©s un peu partout sur le territoire.
Ces nombreux brasiers, dont certains se sont rapprochĂ©s de façon inquiĂ©tante de plusieurs localitĂ©s, ont nĂ©cessitĂ© des Ă©vacuations prĂ©ventives de citoyens qui ont dĂ» rapidement quitter les lieux oĂč ils demeurent notamment dans certains secteurs de Port-Cartier sur la CĂŽte-Nord et pour la totalitĂ© des rĂ©sidents de deux des plus importantes agglomĂ©rations urbaines du Labrador, Churchill Falls, oĂč les flammes menaçaient Ă©galement lâimportante centrale hydroĂ©lectrique qui fournit 15 % de toute lâĂ©nergie du QuĂ©bec et 25 % de celle de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que ceux de la ville miniĂšre de Labrador City. Dâautres municipalitĂ©s Ă©taient en Ă©tat dâalerte, comme Sept-Ăles sur la CĂŽte-Nord et Wabush au Labrador, ou de prĂ©alerte comme Fermont.
Fortement sollicitĂ©s, les pompiers forestiers qui Ă©taient sur un pied dâalerte constant ont combattu dâarrache-pied et sans relĂąche les incendies majeurs dispersĂ©s Ă plusieurs endroits et qui se montraient particuliĂšrement agressifs Ă lâaide dâavions-citernes (bombardiers dâeau) et dâhĂ©licoptĂšres. Les manĆuvres se sont effectuĂ©es de concert avec des collĂšgues de plusieurs provinces (QuĂ©bec, Terre-Neuve-et-Labrador, Nouveau-Brunswick, Ontario).
Le Labrador et la MRC de Caniapiscau ont Ă©tĂ© durement touchĂ©s par ces foyers dâincendie destructeurs alimentĂ©s par la sĂ©cheresse et propulsĂ©s par de forts vents qui ont occasionnĂ© Ă quelques reprises des fermetures de portions de la Trans-QuĂ©bec-Labrador (routes 389 et 500), le seul lien routier de la rĂ©gion. Les flammes ont de plus ravagĂ© plusieurs hectares de forĂȘt. Un nombre important de citoyens a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©, allant de quelques centaines Ă Port-Cartier, Ă 750 Ă Churchill Falls et jusquâĂ 9600 Ă Labrador City soit environ 10 350 personnes pour le Labrador, ce qui reprĂ©sente environ le tiers de sa population.
Les habitants du Labrador qui ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s se sont, pour la trĂšs vaste majoritĂ©, rĂ©fugiĂ©s Ă Happy Valley-Goose Bay. Durant la premiĂšre vague en partance de Churchill Falls, le 19 juin, on pouvait constater un dĂ©filĂ© de vĂ©hicules se dirigeant vers cette ville qui abrite une base militaire le long de la Trans-Labrador (route 500). Lors du second Ă©pisode, le 12 juillet, alors que les gens forcĂ©s de fuir sâorientaient dans la mĂȘme direction Ă partir de Labrador City, on pouvait apercevoir un interminable cortĂšge dans lequel des automobiles, qui se suivaient Ă la queue leu leu, se rendaient plus Ă lâest. Constituant un vĂ©ritable dĂ©fi logistique, ces deux dĂ©placements encadrĂ©s par les autoritĂ©s et les forces de lâordre dont le second a nĂ©cessitĂ© lâĂ©vacuation de personnes ĂągĂ©es, Ă mobilitĂ© rĂ©duite et de patients de lâhĂŽpital, ont reçu lâappui sur le terrain de lâArmĂ©e du Salut et de la Croix-Rouge, qui ont participĂ© aux efforts dâhĂ©bergement et de ravitaillement de ceux ayant dĂ» abandonner en vitesse leur domicile. La SociĂ©tĂ© pour la prĂ©vention de la cruautĂ© envers les animaux (SPCA) a coordonnĂ© avec lâaide de la clinique vĂ©tĂ©rinaire locale la prise en charge des trĂšs nombreux animaux de compagnie qui ont suivi leurs maĂźtres. La population des localitĂ©s avoisinantes a fait preuve de gĂ©nĂ©rositĂ© et a tĂ©moignĂ© sa solidaritĂ© en offrant de lâaide et du soutien aux victimes, en particulier celle de Happy Valley-Goose Bay qui a Ă©tĂ© fortement sollicitĂ©e Ă deux reprises, mais aussi celles de Churchill Falls et de Wabush, oĂč quelques rĂ©sidents de Labrador City se sont rendus, et de Fermont, oĂč quelques autres ont temporairement trouvĂ© refuge dans leurs roulottes au camping de lâendroit. MalgrĂ© lâenvergure des incendies forestiers, le pire a heureusement pu ĂȘtre Ă©vitĂ©.
Par Ăric Cyr, journaliste
Une Ă©vacuation qui tisse des liens
Les citoyens de la ville de Labrador City au Labrador ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s, le 12 juillet 2024, Ă cause des feux de forĂȘt situĂ©s Ă proximitĂ© de la municipalitĂ© nordique. Ceux-ci Ă©taient invitĂ©s Ă se diriger vers Churchill Falls puis Ă Happy Valley-Goose Bay pour y sĂ©journer durant une pĂ©riode indĂ©terminĂ©e.
Tout comme ses concitoyens, une rĂ©sidente de Labrador City, Lise Boucher, a reçu un avertissement en fin dâaprĂšs-midi lui indiquant quâelle devait quitter son domicile le plus rapidement possible. Plusieurs questions surgissent alors dans son esprit. Que devons-nous apporter dans nos valises ? Quelle sera la durĂ©e de cette Ă©vacuation ? LâinquiĂ©tude sâinstalle. Mais elle ne sera pas seule puisque son ami, CĂ©lian LĂ©zer, un jeune homme dâorigine française qui travaille Ă lâAssociation francophone du Labrador, et sa chatte Rosalie lâaccompagnent, elle et son petit chien Buddy, dans sa voiture.
Par chance, le plein dâessence de lâauto avait Ă©tĂ© fait la veille. Les compagnons dâinfortune ont ainsi pu commencer leur pĂ©riple imprĂ©vu vers la ville de Churchill Falls sans devoir attendre un long moment pour sâapprovisionner en carburant. Selon madame Boucher, la circulation Ă©tait trĂšs lente et la patience Ă©tait de mise. Un trajet dâune durĂ©e habituelle de 2 h 30 vers Churchill Falls sâest prolongĂ© en une escapade de plus de six heures puisque tous les habitants de Labrador City se dirigeaient simultanĂ©ment dans la mĂȘme direction en empruntant lâautoroute Trans-Labrador, la route 500, vers lâEst. Madame Boucher Ă©tait soulagĂ©e que le jeune homme quâelle considĂšre comme son « ange gardien » sâassoie du cĂŽtĂ© conducteur. Les deux aventuriers improvisĂ©s conservent une attitude positive par rapport Ă la situation dâurgence et ne se laissent pas abattre. Ce ne fut que vers 2 h du matin quâils arrivĂšrent Ă Churchill Falls oĂč ils furent accueillis dans une ambiance trĂšs chaleureuse. Des gens attendaient les personnes Ă©vacuĂ©es qui Ă©taient extĂ©nuĂ©es avec de la nourriture Ă volontĂ©, dâĂ©normes matelas, des toilettes et des douches.
Le lendemain matin vers 9 h, aprĂšs avoir mis deux heures Ă franchir les 750 mĂštres les sĂ©parant de la station dâessence, se sentant maintenant reposĂ©s et soulagĂ©s, les deux complices repartent sur la route en direction de Happy Valley-Goose Bay aprĂšs avoir attendu un certain moment pour faire le plein. La circulation serait dĂ©sormais fluide pour les trois prochaines heures. Lors de leur arrivĂ©e Ă destination, la Croix-Rouge canadienne ainsi que plusieurs Ă©quipes sâaffairent Ă lâarĂ©na local afin dâaccueillir les voyageurs. Des services de la SociĂ©tĂ© de prĂ©vention de la cruautĂ© envers les animaux (SPCA) sont accessibles pour accommoder les maĂźtres dâanimaux de compagnie ayant oubliĂ© dâapporter certaines choses (cages, nourriture, litiĂšre, etc.). Lise Boucher affirme que les familles dâaccueil qui se sont offertes pour hĂ©berger gratuitement les animaux Ă©taient extraordinairement bienveillantes. Certains rĂ©sidents de Labrador City (environ 750) Ă©taient logĂ©s dans des chambres sur la base militaire qui Ă©taient situĂ©es dans plusieurs bĂątisses des Forces armĂ©es canadiennes dotĂ©es de lits, de bureaux et de salles de bain communes et une cafĂ©tĂ©ria se trouvait Ă quelques minutes de marche. Dâautres sâaccommodent de lits de camps ou de matelas posĂ©s au sol installĂ©s dans des Ă©difices municipaux alors que certaines personnes dormaient dans des chambres du collĂšge communautaire de lâendroit. Une friperie locale ainsi que celle de Labrador City offraient gratuitement des vĂȘtements. Une cafĂ©tĂ©ria proposait des dĂ©jeuners, des dĂźners et des soupers aux personnes Ă©vacuĂ©es en plus dâun camion de cuisine de rue de lâArmĂ©e du Salut qui fournissait des repas.
Madame Boucher confie que la cordialitĂ© et la solidaritĂ© des gens sur place Ă©taient exemplaires et incroyables. Les gens Ă©vacuĂ©s discutaient entre eux et partageaient au sujet de leurs expĂ©riences hors du commun vĂ©cues Ă la suite de leur Ă©vacuation et de leur dĂ©placement inattendu. La gĂ©nĂ©rositĂ© et lâentraide Ă©taient au rendez-vous. Lise Boucher et son jeune camarade ont finalement retrouvĂ© leurs demeures respectives Ă Labrador City, le 23 juillet dernier. Demeurant dans cette ville depuis 1967, Mme Boucher explique quâune telle aventure ne lui Ă©tait jamais arrivĂ©e auparavant et que cette expĂ©rience humaine fut trĂšs enrichissante.
Par Océane Bossé, journaliste étudiante