Santé et sécurité du travail
De la poudre aux yeux
par Ăric Cyr
Le ministre du Travail, Jean Boulet, a dĂ©posĂ©, le 16 mars dernier, des amendements concernant la rĂ©forme de la loi sur la santĂ© et la sĂ©curitĂ© du travail. Ces modifications frileuses ont Ă©tĂ© dĂ©criĂ©es dâun commun accord par les quatre grandes centrales syndicales quĂ©bĂ©coises : la FĂ©dĂ©ration des travailleurs et travailleuses du QuĂ©bec (FTQ) avec qui les MĂ©tallos, le plus important syndicat du secteur privĂ© au QuĂ©bec, est affiliĂ©, la ConfĂ©dĂ©ration des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du QuĂ©bec (CSQ) et la Centrale des syndicats dĂ©mocratiques (CSD), qui dĂ©noncent Ă lâunanimitĂ© des reculs inacceptables dans le domaine.
Les dirigeants syndicaux accueillent avec beaucoup de dĂ©ception les amendements proposĂ©s dans le cadre de lâĂ©tude dĂ©taillĂ©e du projet de loi no. 59 qui selon eux ne rĂšglent rien et ouvrent la porte aux abus. Lâalliance syndicale explique : « Plusieurs lacunes ont Ă©tĂ© relevĂ©es dĂšs le dĂ©pĂŽt du projet de loi non seulement par nos organisations, mais Ă©galement par plusieurs reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile, mĂ©decins en santĂ© publique, juristes et universitaires. Malheureusement, les modifications soumises par le ministre demeurent insuffisantes afin dâassurer adĂ©quatement la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des travailleuses et des travailleurs. »
« à propos des mesures de rĂ©paration Ă la suite dâune lĂ©sion ou dâun accident, les QuĂ©bĂ©cois et les QuĂ©bĂ©coises vont encore ĂȘtre moins bien protĂ©gĂ©s avec le projet de loi no. 59. En ajoutant de multiples limitations dâaccĂšs Ă la loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP), le ministre complexifie et rĂ©duit considĂ©rablement lâaccĂšs aux droits de protection et de rĂ©adaptation. Câest inacceptable ! Plus ça va, plus on sâĂ©loigne de lâobjectif initial de cette loi. Faut-il rappeler au ministre quâelle a pour but de protĂ©ger les travailleurs et travailleuses ? » dĂ©nonce le prĂ©sident de la FTQ, Daniel Boyer.
« En ce qui concerne la prĂ©vention, le nombre minimal de rencontres du comitĂ© SST (santĂ© et sĂ©curitĂ© au travail) est famĂ©lique. On ne sait mĂȘme plus le nombre de reprĂ©sentants qui doivent y siĂ©ger. Plus rien sur le minimum dâheures de libĂ©ration pour le reprĂ©sentant en prĂ©vention. Le ministre nous propose plutĂŽt dâattendre que lâemployeur et les travailleurs sâentendent, sinon la commission tranche et les parties peuvent contester les dĂ©cisions devant les tribunaux. On nâavait pas assez de la judiciarisation des lĂ©sions professionnelles, maintenant câest la judiciarisation de la prĂ©vention qui sâajoute ! Cette façon de faire ne sert personne et aura pour effet de nĂ©gocier la prĂ©vention dans nos relations de travail. La prĂ©vention, câest non nĂ©gociable ! » ajoute le prĂ©sident de la CSN, Jacques LĂ©tourneau.
« Ăa fait 40 ans que nous attendons cette rĂ©forme, le ministre nâa pas le droit de rater la cible. Alors quâon veut des mĂ©canismes de prĂ©vention fonctionnels, les amendements apportĂ©s risquent de judiciariser et dâengorger davantage les tribunaux. Le ministre sâĂ©tait engagĂ© Ă inclure les risques psychosociaux dans sa rĂ©forme, mais aucun ajout en ce sens nâest prĂ©vu malgrĂ© toute lâimportance quâoccupe cette problĂ©matique dans nos milieux de travail aujourdâhui. Les hommes et les femmes doivent pouvoir revenir auprĂšs de leur famille en toute sĂ©curitĂ© aprĂšs une journĂ©e de travail. Le ministre a encore lâoccasion dâapporter des correctifs et lâĂ©tude dĂ©taillĂ©e lui donne cette possibilitĂ©. Nous lâinvitons Ă agir », dĂ©clare la prĂ©sidente de la CSQ, Sonia Ethier.
« Nous lâavons dit dĂšs le dĂ©but, un sĂ©rieux coup de barre doit ĂȘtre donnĂ©, et malheureusement, rien ou presque dans ce que nous propose le ministre ne nous laisse entrevoir une amĂ©lioration du rĂ©gime de santĂ© et de sĂ©curitĂ© du travail. Ce que nous observons en matiĂšre de prĂ©vention et de rĂ©paration soulĂšve de grandes inquiĂ©tudes. Ce projet de loi va passer Ă lâhistoire pour les mauvaises raisons sâil nâest pas sĂ©rieusement amendé », conclut le prĂ©sident de la CSD, Luc Vachon.