Expédition à motoneige
Objectif les monts Torngat
par Éric Cyr
Six intrépides motoneigistes fermontois ont entrepris un long périple qui les a menés jusqu’aux monts Torngat à l’extrémité nord du Labrador. Partis de Fermont par la Trans-Québec-Labrador (routes 389 et 500), le 22 mars dernier, ils rejoignent Happy-Valley-Goose-Bay puis empruntent la route 520 vers North West River. C’est là qu’ils enfourchent leurs bolides pour le grand départ en face du fameux garage de l’émission de télévision Last Stop Garage diffusée sur la chaîne Discovery avant d’entamer un long parcours hivernal de 1936 kilomètres en serpentant des paysages grandioses au gré des intempéries.
Toute une aventure que d’atteindre les monts Torngat. Héritage de l’époque glaciaire, cette chaîne de montagnes, faisant partie de la cordillère arctique dans le Bouclier canadien, est un massif rocheux dont le nom signifie « maison des esprits » en inuktitut. Situés sur la péninsule nord du Labrador à la frontière avec le Québec, ses principaux sommets constituent la ligne de partage des eaux entre les deux provinces qui a déterminé la frontière actuelle tracée en 1927 par le Conseil privé de Londres en Angleterre. Le point culminant de cette majestueuse muraille naturelle et la cime de la chaîne Selamiut (Aurore), le mont d’Iberville (appelé aussi Kauviik ou Caubvick) qui s’élève entre 1646 et 1652 m dépendant des mesures.
Des lieux mythiques
Digne du National Geographic, le périple réunit un équipage chevronné et endurci composé de cinq pompiers : Dany Dionne, Éric Tremblay, Yan Leblanc et les frères Francis et Sébastien Meilleur qui ont recruté le mécanicien Jérémy Potvin afin de compléter le cortège des neiges. Ceux-ci se sont au préalable bien documentés et ont consulté des personnes expérimentées afin de bien préparer le trajet. Ils sont prêts à affronter les rigueurs du climat et les dénivelés tortueux leur réservant de nombreuses surprises avant d’atteindre leur objectif, Postville, Hopedale, Natuashish, Nain et le village abandonné d’Hebron au Nunatsiavut puis Nutak où il ne reste qu’une plaque commémorative. L’objectif ultime : atteindre ce territoire exceptionnel aux sommets vertigineux.
Que d’émotions lorsque le parc national des monts Torngat au Labrador surgit à l’horizon tout comme son vis-à-vis québécois, le joyau du Nunavik, le parc national Kuururjuaq qui s’étend de la baie d’Ungava jusqu’au sommet du mont d’Iberville.
Après avoir dormi dans une yourte au camp de base, ils empruntent le chemin du retour. En sillonnant la rivière Koroc, qui prend naissance à la frontière du Labrador et coule en direction de la baie d’Ungava, ils sont émerveillés par son eau bleue limpide et translucide en mouvement sous la glace. Ils rejoignent par la suite Kangiqsualujjuaq, la rivière George puis son affluent la rivière De Pas jusqu’à Schefferville, le lac Menihek puis la rivière Ashuanipi avant de rentrer au bercail à Fermont.
Digne d’un roman de Jack London
Que de souvenirs et d’anecdotes à raconter! Ils ont bravé le froid, croisé des Autochtones, découvert des villages innus et inuits isolés, mais dont l’hospitalité des habitants est légendaire et ont même été invités par une vieille femme inuite qui mangeait de l’ours polaire à prendre le thé à Hebron. Ils ont circulé sur l’océan Atlantique gelé, emprunté une travée, une passerelle en aluminium disposée entre deux banquises après le passage du brise-glace qui relie la mine de Voisey’s Bay, fait du camping dans une église et des camps de Rangers canadiens, dormi dans des pourvoiries abandonnées depuis la quasi-disparition des caribous, qui autrefois se comptaient par centaines de milliers et dont ils n’ont malheureusement aperçu aucun signe, vu des traces d’ours polaire gigantesque. Des phénomènes naturels ont aussi marqué plusieurs des compagnons de voyage : les aurores boréales et l’effet des marées et des cassées de glace tranchante comme des lames qui bougent constamment, le changement drastique de paysage de la taïga et de la toundra qui deviennent faune arctique et alpine.