Métallos/ArcelorMittal
Un mandat de grève sans équivoque
par Éric Cyr
Avec un mandat de grève fort à 99 % en main, les syndiqués des Métallos exigent du sérieux. C’est avec des proportions inébranlables que les travailleurs de la minière ArcelorMittal à Fermont et à Port-Cartier ont doté leurs sections locales respectives de mandats de grève à exercer au moment jugé opportun. Les négociations pour le renouvellement de la convention collective, qui s’étaient amorcées, le 5 janvier 2017, ont été rompues, le 21 mars dernier, alors que le Syndicat a quitté la table, jugeant les demandes du géant de l’acier inacceptables. Les instances syndicales se sont alors retirées des discussions évoquant la lenteur du processus.
Aucune ambiguïté
Après 11 semaines de négociations à temps plein, les discussions portaient toujours sur les aspects normatifs du contrat avant l’arrêt des pourparlers. Les syndiqués (qui sont sans contrat de travail depuis la date d’échéance de la convention, le 28 février dernier) se sont par la suite prononcés à 99 % pour une grève, ce qui démontre une solidarité sans faille, mais aussi une déception indéniable face aux demandes de l’entreprise. Le syndicat des Métallos avait réuni ses membres et tenu plusieurs assemblées générales au préalable afin d’exposer la situation et demander un vote de grève qui pourrait être déclenchée « si nécessaire au moment jugé opportun. » Des rassemblements se sont tenus dans les cinq sections locales pour faire le point sur les négociations et voter au moyen d’un scrutin secret sur un éventuel mandat de grève. Les boîtes de scrutin ont été dépouillées simultanément, le 24 mars dernier, et les résultats sont clairement pour une grève si la nécessité se fait sentir : section 5778 (mine du Mont-Wright et Fire Lake) 99,7 %, section 7401 nord à Fermont et sud à Port-Cartier (employés de bureau et personnel technique) 100 %, section 8664 (usine de bouletage de Port-Cartier) 99,4 %, section 6869 (chemin de fer, installations portuaires et manutention) 99 %.
Le bras de « fer »
Selon le coordonnateur régional des Métallos pour la Côte-Nord, Nicolas Lapierre, les travailleurs n’acceptent pas les changements majeurs que veut effectuer la minière concernant les horaires et la mobilité de la main-d’œuvre. « On a mis des balises, ça sert à ça une convention collective, à limiter le droit de gérance de l’employeur. Et là, ArcelorMittal veut sabrer là-dedans, faire une croix sur les 50 dernières années. L’employeur veut faire ce qu’il veut, où il veut, avec qui il veut et les travailleurs eux n’auraient pas le choix d’obtempérer. C’est inacceptable et les syndiqués ont voulu envoyer un message clair à la compagnie : ça suffit le surplace et les pas de tortue. Les négociations doivent commencer pour vrai. Si l’employeur s’entête à vouloir charcuter la convention, il va discuter tout seul, nous n’avons pas de mandat pour ça. ArcelorMittal doit prendre acte du résultat : les membres sont derrière leur comité de négociation et veulent que ça avance », fait valoir ce dernier. Le représentant syndical affirme que le ton doit changer à la table de négociation au sujet des changements souhaités par la multinationale dans les clauses normatives (flexibilité pour les mouvements de personnel, période de probation, horaire de travail des employés de bureau et des travailleurs affectés à la mine de Fire Lake). Le syndicaliste confiait avant le résultat du vote que : « l’objectif est de faire débloquer les négociations. Plusieurs secteurs sont concernés que ce soit le port, le chemin de fer, l’usine, la mine, ou les employés de bureau et ils doivent tous composer avec des réalités différentes, ce qui contribue à accentuer l’envergure des échanges. » Jusqu’à présent, aucune discussion n’a été amorcée concernant les clauses salariales.
« On veut retourner négocier, mais il faut que l’employeur change son attitude et enlève les demandes de concessions. Si la partie patronale persiste dans cette voie, on saura quoi faire, les 2000 travailleurs sont derrière nous et nous appuient. »
Une situation normale
C’est sans surprise que la société, qui a déjà formé ses cadres pour les préparer à un éventuel conflit, a pris connaissance du résultat du vote de grève. Le porte-parole de l’entreprise, Paul Wilson, affirme que c’est habituel dans ce genre de négociations. ArcelorMittal disait, avant le scrutin, être sûre de pouvoir s’entendre avec le syndicat pour le renouvellement de la convention collective. M. Wilson confiait alors que la minière était ouverte à la négociation malgré la décision des Métallos de procéder à un vote de grève auprès de ses membres et souhaite toujours que les négociations reprennent. « Un tel vote de grève fait partie du processus actuel de négociation et ce type de vote va habituellement chercher des votes très élevés. Selon notre compréhension, c’est une situation normale et nous ne sommes pas surpris du résultat. On continue à être disponible pour négocier avec les employés. L’objectif ultime est de conclure une entente satisfaisante pour les deux parties. On demeure convaincu qu’on sera en mesure de trouver les solutions gagnantes pour les deux parties », a-t-il expliqué en soulignant que les conditions du marché du fer sont difficiles même si les opérations de la minière sur la Côte-Nord sont rentables. Ce dernier souligne que l’entreprise a toujours agi en collaboration avec ses employés pour assurer son avenir.
« On a toujours été sur la Côte-Nord et on veut être là pour longtemps. Assurons-nous de bien faire les choses des deux côtés de la table pour s’entendre et assurer la pérennité de l’entreprise et des emplois ».
Bref historique
Les derniers conflits de travail remontent à 2005 avec une grève de six semaines et à 2001 avec un lock-out de quatre semaines. La dernière négociation qui s’est déroulée avec la minière Québec Cartier avant son acquisition par ArcelorMittal s’est tenue en 2006, c’est donc la deuxième négociation depuis que le géant minier a acquis Québec Cartier, la première étant survenue en 2011. La dernière convention collective avait été conclue pour six ans et avait mis quatre mois à être ficelée. Aucune grève n’est survenue à ce jour entre ArcelorMittal et ses employés sur la Côte-Nord.