Récit de voyage
De la forêt boréale à la brousse
par Éric Cyr
Le voyageur fermontois Christian Bernard a vécu toute une expérience dans un refuge pour animaux sauvages principalement axé sur les félins en Afrique du Sud où il a côtoyé certaines espèces en voie d’extinction dans la nature, dont l’animal terrestre le plus rapide sur la planète, le guépard, avant d’être coincé sur place deux jours après son arrivée à cause de la pandémie de Covid-19.
C’est par hasard que l’homme est tombé sur une vidéo sur YouTube qui traitait du sujet qui l’a interpelé. « C’est un adon que j’ai visionné ce lien internet qui m’a beaucoup intéressé. Par la suite, j’ai effectué des recherches plus approfondies qui m’ont orienté vers le refuge Cheetah Experience. » La mission de l’organisme, qui n’est pas un zoo, mais un centre de préservation, est entre autres de sensibiliser le public à la vulnérabilité des espèces sud-africaines, et d’autres, en voie de disparition à travers des expériences éducatives ainsi que l’élevage éthique de guépards en captivité qui contribue à la conservation de ce rare félin. Les centres spécialisés à travers le monde échangent des spécimens afin d’éviter la consanguinité en utilisant des échantillons d’ADN prélevés sur les guépards pour maintenir sa diversité génétique.
Cheetah Experience travaille de concert avec d’autres projets responsables pour aider à assurer la survie des guépards dont la population mondiale était évaluée en 2016 à seulement 7100 individus limités à 9 % de leur aire de répartition historique. L’objectif à long terme est de pouvoir réintroduire certains gros félins nés en captivité dans un habitat naturel protégé où ceux-ci sont observés par des chercheurs et des experts médicaux tout en vivant en liberté afin de voir s’ils sont capables de s’adapter, de chasser et de survivre par eux-mêmes en autosuffisance pour ensuite les relâcher dans un environnement sauvage éloigné des centres urbains où il n’y a pas de chasse.
Comprendre leurs besoins, leurs comportements et leurs instincts joue un rôle clé pour sauver les animaux de l’extinction. Certains ont besoin d’un régime adapté supervisé et ont des besoins spéciaux. Quelques refuges animaliers sud-africains, épaulés par des équipes de vétérinaires, élèvent en captivité des guépards reproducteurs qu’ils ont recueillis. « Il faut savoir que seulement 5 à 10 % des jeunes guépards en liberté survivent jusqu’à l’âge adulte », confie le travailleur minier qui est heureux d’avoir choisi de faire du bénévolat pour cette cause qui lui tient à cœur.
« Cheetah Experience se veut un peu une destination vacances tout en constituant un apport qui contribue à faire une réelle différence dans la préservation de cette espèce menacée. L’organisme sans but lucratif accueille des volontaires internationaux de plusieurs pays. Il faut accepter de s’investir dans ce projet durant un minimum de deux semaines, mais certains passionnés restent jusqu’à six mois. »
Dans le cadre de son séjour, malheureusement écourté à cause de l’incertitude liée au coronavirus, M. Bernard a réalisé des travaux de concert avec des employés, qui bien souvent ont commencé comme bénévoles avant d’obtenir un visa de travail et de rester. « J’effectuais aussi du travail de ferme avec des volontaires du monde entier : couper le gazon, entretien des enclos, préparer la nourriture pour les animaux, laver les gamelles, couper la viande, faire des rondes et nourrir les bêtes. Au début quand tu es en train de passer le râteau et qu’un de ces gros félins vient se frotter la crinière sur toi en ronronnant, tu fais le saut, mais ça devient une habitude. Ils veulent jouer, mais il faut rester vigilant à cause de leurs griffes et de leurs dents. »
Parmi les autres espèces, il y avait aussi des servals, des caracals, deux suricates heurtés par des voitures qui ont été retrouvés sur le bord de la route, des tigres, une dizaine de léopards, dont deux panthères noires qui sont en fait des léopards qui sont noirs à cause d’une mutation génétique, et trois lions non reproducteurs qui étaient destinés à mourir et qui ont été rescapés de la chasse en boîte ou chasse close (canned hunt), une fausse chasse aux trophées dans laquelle les proies domestiquées ne peuvent se sauver et n’ont aucune chance puisqu’elles ont été élevées pour ne pas craindre les humains et sont donc totalement à la merci des soi-disant chasseurs. D’ailleurs Cheetah Experience est associé à des organisations qui combattent ce genre d’élevage pour la « chasse. » « Parmi les pensionnaires, mon favori était un tigre de Sibérie de 600 lb, je m’installais souvent sur une buche à côté de son enclos, électrisé pour ce mastodonte du monde félin, et je lui parlais. Parfois, il se comportait comme un chat alors qu’à d’autres reprises son regard se voulait plutôt intimidant, signe que son instinct se porte bien. »
Christian Bernard raconte quelle vue splendide il avait derrière le camp où il était logé à Bloemfontein et où il pouvait apercevoir des rhinocéros, des girafes. Il serait bien resté plus longtemps, mais a dû se résigner à rebrousser chemin avant la fermeture des frontières. Arrivé en catastrophe à l’aéroport de Johannesburg où les passagers se battaient pour obtenir des billets de la seule compagnie aérienne qui effectuait encore des liaisons, ce dernier n’a pu s’en procurer à temps. Alors que tous les autres ressortissants étrangers avaient été évacués par leurs gouvernements respectifs, il a dû vivre confiné durant deux semaines sur le terrain d’un hôtel. Heureusement qu’il avait accès à la télé, à Internet et à Netflix et qu’il a pu contacter le bureau de la députée de Manicouagan, Marilène Gill, qui a pris les choses en main. Le gouvernement canadien l’a finalement rapatrié… Malgré les imprévus, il compte bien revenir un jour afin de renouveler l’expérience. « Je conserve des souvenirs impérissables de cette aventure où je me suis fait des amis pour la vie. Je me souviendrai toujours des rugissements des lions au loin lorsque je faisais une promenade du matin. »