Réservoir Manicouagan
Tensions et sourde oreilleâŠ
par Ăric Cyr
Le Conseil des Innus de Pessamit considĂšre que le gouvernement du QuĂ©bec et la sociĂ©tĂ© dâĂtat Hydro-QuĂ©bec bafouent les droits de cette PremiĂšre Nation en procĂ©dant au rehaussement du niveau dâeau du rĂ©servoir Manicouagan, qui alimente le barrage Daniel-Johnson et la centrale hydroĂ©lectrique de Manic-5, en nĂ©gligeant de se conformer Ă leurs obligations de consultation et dâaccommodement.
Selon le vice-chef des Innus de Pessamit, GĂ©rald Hervieux : « Pour ajouter lâinsulte Ă lâinjure, le gouvernement a procĂ©dĂ© dans ce dossier en informant les villĂ©giateurs et les propriĂ©taires de chalets situĂ©s dans le secteur visĂ© de son intention de rĂ©voquer leurs baux de villĂ©giature afin de procĂ©der Ă lâaugmentation du niveau de lâeau souhaitĂ©, sans daigner en informer les Innus, sans que leurs prĂ©occupations, notamment environnementales, soient considĂ©rĂ©es et sans leur proposer dâaccommodements. » Les Innus de Pessamit, qui ont vu leur territoire ancestral littĂ©ralement dĂ©vastĂ© par les barrages, les rĂ©servoirs et centrales hydroĂ©lectriques sans consultation et sans leur consentement, ne semblent pas compter aux yeux de QuĂ©bec. Pessamit connaissait les intentions du gouvernement de rehausser le rĂ©servoir puisquâune ordonnance de la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec rendue en dĂ©cembre 2020, permettait Ă Hydro-QuĂ©bec de le faire, Ă la condition expresse dâavoir obtenu les autorisations au terme dâun processus de consultation et dâaccommodement auprĂšs des Innus et Ă la suite dâexamens menĂ©s par le ministĂšre de lâEnvironnement du QuĂ©bec (MELCC) et de PĂȘches et OcĂ©ans Canada. La PremiĂšre Nation sâest donc impliquĂ©e de bonne foi dans le processus de consultation et sâest attelĂ©e Ă la tĂąche de conduire ses propres Ă©valuations sur les plans communautaire, technique et environnemental, Ă©tude dont les rĂ©sultats prĂ©liminaires ont fait lâobjet dâun mĂ©moire dĂ©posĂ© le 6 juillet 2021. Mais Hydro-QuĂ©bec nâa pas jugĂ© bon dâattendre les rĂ©sultats prĂ©liminaires de cette consultation et a dĂ©cidĂ© de procĂ©der sans avertir le Conseil des Innus de Pessamit.
Loin des belles paroles
Ă lâheure actuelle, le niveau dâeau approche et menace les installations de la RĂ©serve mondiale de la biosphĂšre Manicouagan Uapishka, copropriĂ©tĂ© des Innus de Pessamit et de lâUNESCO. Lâobjectif Ă©tant de remplir le rĂ©servoir aÌ une hauteur de 355,95 m Ă lâautomne 2021 et Ă une hauteur de 359 mĂštres en 2022. « On comprend quâHydro-QuĂ©bec est pressĂ©e et ne souhaite pas sâembarrasser de « procĂ©dures » avec les Innus. Dâautant plus que pour la sociĂ©tĂ© dâĂtat, le processus de consultation et dâaccommodement mis en place par le gouvernement du QuĂ©bec ne constitue gĂ©nĂ©ralement quâune façade, une perte de temps instituĂ©e pour donner lâimpression quâHydro-QuĂ©bec se conforme aux exigences Ă©tablies par la Cour suprĂȘme du Canada en regard des prĂ©occupations des PremiĂšres Nations. On est loin de lâappel au dialogue lancĂ© par la prĂ©sidente dâHydro-QuĂ©bec, Sophie Brochu, dans le cadre de son programme « Ănergie en commun ». On est loin des belles paroles du gouvernement en matiĂšre de relations avec les peuples autochtones », poursuit le chef, Jean-Marie Vollant.
Indifférence totale
«Encore une fois, nous sommes considĂ©rĂ©s et traitĂ©s comme un peuple de second ordre et cela nous replace devant la rĂ©alitĂ© dâune nation qui subit une expropriation illĂ©gale de ses terres ancestrales sur lesquelles ses droits, pourtant reconnus par la constitution du Canada et par lâONU, sont continuellement bafouĂ©s », affirme le chef Vollant. Se disant offusquĂ© des mĂ©thodes cavaliĂšres et de lâapproche colonialiste que privilĂ©gient le gouvernement du QuĂ©bec et sa sociĂ©tĂ© dâĂtat, celui-ci rappelle que le Nitassinan (terres ancestrales) de Pessamit est le territoire le plus exploitĂ© au QuĂ©bec pour ses ressources hydroĂ©lectriques.
« Ce plus rĂ©cent Ă©vĂ©nement constitue la preuve que le gouvernement et Hydro-QuĂ©bec agissent dans lâindiffĂ©rence la plus totale envers nos droits. »
Pour exprimer son indignation et exiger une rencontre, le chef Vollant a transmis, le 14 juillet 2021, une lettre Ă Mme Brochu, ainsi quâaux ministres quĂ©bĂ©cois Benoit Charrette (Environnement) et Jonathan Julien (Ănergie, Ressources naturelles), oĂč il est spĂ©cifiĂ©, que les procĂ©dures de rehaussement doivent cesser. Celle-ci est demeurĂ©e Ă ce jour lettre morte.