Ville de Gagnon
La fermeture il y a 40 ans
par Ăric Cyr
La ville de Gagnon a Ă©tĂ© totalement rayĂ©e de la carte Ă la suite de sa fermeture il y a quatre dĂ©cennies. Tous les bĂątiments avaient Ă©tĂ© rasĂ©s quand le dernier avion dĂ©colla de la piste de lâancien aĂ©roport, le 1er juillet 1985. Lorsque lâon passe aujourdâhui en voiture le long de la route 389 Ă lâendroit oĂč elle sâĂ©rigeait autrefois fiĂšrement depuis sa fondation en 1960 jusquâĂ 1985, on peut observer que la nature a repris ses droits. Seul un panneau routier sur lequel on peut lire lâinscription « site de lâancienne ville de Gagnon » nous rappelle sa mĂ©moire.
Un drapeau de lâancienne municipalitĂ© hissĂ© Ă un mĂąt dans ce secteur attire lâattention sur des plaques commĂ©moratives qui ont Ă©tĂ© installĂ©es par dâanciens citoyens de ce lieu et qui rappellent la prĂ©sence antĂ©rieure dâactivitĂ© humaine et de pionniers ayant ĆuvrĂ© dans la rĂ©gion.
SituĂ©e au cĆur de la forĂȘt borĂ©ale du QuĂ©bec, entre Baie-Comeau et Fermont, cette dĂ©funte ville miniĂšre fut lâun des projets les plus ambitieux de colonisation industrielle du Nord quĂ©bĂ©cois. FondĂ©e par la compagnie miniĂšre QuĂ©bec Cartier, une filiale de U.S. Steel, qui travaillait Ă ce projet depuis 1957, Gagnon vit officiellement le jour en 1960, dans le but dây exploiter des gisements de fer en commençant par celui de la mine du Lac Jeannine. En plus dâun chemin de fer privĂ© construit pour se rendre sur place, un aĂ©roport y fut Ă©galement Ă©rigĂ©. La localitĂ© fut nommĂ©e en lâhonneur dâun homme politique qui a jouĂ© un rĂŽle important dans le dĂ©veloppement minier de la rĂ©gion, feu le lieutenant-gouverneur du QuĂ©bec qui fut aussi ministre des Mines, OnĂ©sime Gagnon.
Lâextraction de minerai de fer commence Ă la mine de Fire Lake dĂšs 1963. Le minerai Ă©tait transportĂ© par train jusquâĂ Port-Cartier, oĂč il Ă©tait traitĂ© et expĂ©diĂ© par bateau. Un chemin de 250 km fut alors ouvert Ă travers la forĂȘt afin de permettre aux travailleurs de se rendre Ă la nouvelle mine. Il sera plus tard intĂ©grĂ© Ă la route 389. Gagnon Ă©tait dotĂ©e dâinfrastructures modernes notamment : arĂ©na, bibliothĂšque, centre communautaire, cinĂ©ma, Ă©coles primaire et secondaire, Ă©glise, hĂŽpital et piscine intĂ©rieure. En 1973, la population atteignait prĂšs de 4000 habitants. La ville possĂ©dait des logements confortables, des rues entretenues et offrait une vie communautaire organisĂ©e.
Ă Gagnon, la vie tournait presque entiĂšrement autour de lâindustrie miniĂšre. La compagnie qui Ă©tait le principal employeur gĂ©rait presque tous les aspects du quotidien, y compris lâentretien des infrastructures municipales. Le modĂšle Ă©conomique, bien que prospĂšre, Ă©tait entiĂšrement dĂ©pendant du fer. Malheureusement, au tournant des annĂ©es 1980, le marchĂ© mondial du fer subit un dĂ©clin et, en 1984, lâentreprise annonça la fermeture prochaine du site minier de Fire Lake, en raison de lâĂ©puisement des ressources et des coĂ»ts dâexploitation.
Ville fantĂŽme
Les tentatives du premier maire de couleur de lâhistoire du QuĂ©bec, RenĂ© Coicou, de renverser cette dĂ©cision en sollicitant lâappui du gouvernement du QuĂ©bec Ă©tant demeurĂ©es vaines, Gagnon fut officiellement fermĂ©e en juin 1985. Les familles durent quitter leurs maisons Ă contrecĆur. Les bĂątiments furent, pour certains, dĂ©mantelĂ©s et expĂ©diĂ©s ailleurs, notamment Ă Fermont, oĂč a Ă©tĂ© transportĂ© le campanile de lâĂ©glise, et, pour la plupart, dĂ©molis. Le rĂ©seau dâaqueduc fut scellĂ© et les rues recouvertes de gravier. En quelques mois, une ville disparut entiĂšrement de la carte. Aucun Ă©difice ne fut Ă©pargnĂ©. Rien ne subsiste de nos jours sauf quelques vestiges : des fondations, des lampadaires et des trottoirs craquelĂ©s qui se dressent tels des tĂ©moins silencieux de ce que fut cette localitĂ© aujourdâhui disparue. Gagnon incarne Ă la fois la promesse de lâessor nordique et la prĂ©caritĂ© des villes monoindustrielles et reste vivante dans les souvenirs de ceux qui y ont vĂ©cu. Pour en connaĂźtre davantage, vous pouvez consulter deux ouvrages historiques Ă la bibliothĂšque de Fermont : Ville de Gagnon, jamais je ne tâoublierai de Chantal Poulin et Un seul souffle⊠la mine dâAnnie Carle.